Certes, le climat de l’Argentine entre le 40ème et le 50ème parallèles se rapproche assez du désert, en réalité une steppe aride. Avec 200 mm de pluie par an, le climat des actuelles provinces argentines du Chubut et du Rio Negro se classe dans la catégorie des déserts, même si la densité – faible – des peuplements y est encore sensiblement plus élevée que dans d’autres régions de steppe.

Les sols ne semblent pas réellement pauvres, à preuve la végétation qui longe les cours d’eau permanents (rios) ou temporaires (arroyos). La faune autochtone a de multiples représentants : guanacos, pumas, tatous, nandous (une espèce d’autruche), maras (lièvre de Patagonie) toujours présents si pas abondants, les seuls éléments manquants par rapport au siècle passé sont les patagons, indiens yagans désormais disparus en tant qu’ethnie.

Vous vous indignez peut-être que j’assimile les populations autochtones à la faune sauvage ? Je ne fais rien d’autre en cela que développer la pensée du général Julio Argentino Roca, responsable de la « campagne du désert », pour lequel – comme pour beaucoup d’autres européens ou créoles de son époque – « indien » équivalait à « rien ».

Et donc ces fameux territoires inconnus à peine traversés par l’explorateur et biologiste Perito Moreno, demeurés sous domination Mapuche, et déjà à demi disputés entre l’Argentine et le Chili, étaient réputés vierges, donc ouverts à la colonisation. Encourageant l’établissement de producteurs dans les estancias destinées à marquer l’implantation de l’homme (blanc) dans ce désert à mettre en valeur, le mouton s’acclimata assez rapidement au mode de vie imposé par la rareté et la pauvreté de la nourriture qu’il pouvait y trouver.

Pour controler des moutons dispersés, les gauchos à cheval se sont implantés à leur suite.

Et c’est la qu’on a commencé à se rendre compte que le désert n’était pas si désert que ça. Il y avait d’abord les guanacos, qui concurrençaient les moutons en tentant de s’approprier leur nourriture. On a donc chassé les guanacos, et installé en travers de ces immenses étendus, des clotures et des guardaganado (barrière à bétail) dans lesquels les guanacos emmêlaient leurs longues pattes comme dans un piège, et finissaient pas crever sans qu’il soit besoin de tirer une balle.

Mais les pumas n’ayant plus de guanacos à se mettre sous la dent ont commencé à chasser le mouton, beaucoup moins rapide à la course, et a en faire une grande consommation. On a donc chassé le puma.

Quant aux Mapuche, ils concurrençaient les deux espèces, chassant le guanaco et le puma. Manquant de gibier, ils se sont mis aussi à chasser le mouton, et sont alors devenu des nuisibles au même titre que les autres animaux sauvages du désert, se faisant tirer au fusil de la même façon.

Mais comme les gauchos ne parvenaient pas à s’en défaire, la campagne du désert a mis bon ordre à cette invasion de nuisibles, en nettoyant de fond en comble les territoires vierges, et c’est ainsi que les langues tehuelche, mapuche et yagan se sont éteintes, faute de locuteurs.

Et c’est ainsi que dans chaque ville d’argentine, le général Roca droit à une rue, comme Bartolomé Mitre ou Perito Moreno.