Le désert est peuplé. Les 25000 ha de la Alta Guajira constituent un parc naturel et la réserve des indiens Wayuu.

Géographiquement, il s’agit d’une zone de collines basses, où il pleut rarement et uniquement par violents orages. La végétation est clairsemée, constituée de cactus, cierges et raquettes, d’épineux et d’euphorbes. Des chèvres (chibio) et des moutons (corderos) pâturent et on rencontre même des ânes et des vaches, et près des maisons, des cochons petits, noirs et poilus qu’on prendrait presque pour des sangliers. Le manque d’eau potable est criant et rend la vie difficile, mais les wayuus qui habitent les rancherias bien souvent construites en pisé, se sont adaptés. En plus des subventions gouvernementales qui leur permettent de survivre dans la réserve (il faut bien tenter de les y retenir puisqu’ils en constituent un des attraits), une technique de rapine s’est généralisée : les enfants surtout, parfois un adulte les encadre, tendent des cordes ou des chaines en travers de la route pour exiger un péage en bonbon, biscuits, eau et parfois argent (mais le gouvernement s’oppose à cette forme de mendicité). Ce qui peut sembler amusant lors des premiers arrêts, finit par devenir lassant quand on passe le cinquantième et qu’on n’est qu’à mi-chemin de l’objectif du soir…

D’autres Wayuus ont eu plus le sens du négoce et organisent ouvertement des officines de vente de carburant de contrebande en provenance directe du Vénézuéla (les puits de Maracaibo sont à 100 km maximum) . C’est un marché florissant auquel participent toute la population très mélangée des villes proches, dont le centre est Uribia. Acheter le carburant au quart du prix officiel peut être vite rentable si on sait le revendre rapidement.

Enfin certains indiens ont plus que d’autre la fibre commerciale et fondent des « hospadajes », sortes de caravansérails modernes au confort rudimentaire, mais appréciable dans ces régions désolées. Après trois heures de route dans a poussière une douche à l’eau de mer est un luxe qui se paie à sa juste valeur. J’ajouterai que la cuisine semble être un atout de ces populations, les repas que nous avons pris étaient dans tous les cas excellents, bien présentés et même si c’est le menu et la table d’hôte pour tout le monde, l’ambiance rend le tout très agréable. L’hospedaje Alexandra qui nous reçoit abritait la semaine dernière plus de 400 personnes par jour, heureusement cette fois-ci nous sommes juste une centaine à passer la nuit soit dans des hamacs, soit (c’est notre cas) dans les « chambres » rudimentaires mais assez confortables pour nous accorder un sommeil réparateur.

On peut se demander pourquoi cette péninsule plongeant dans la mer des Caraïbes reste désertique, alors qu’on voit les nuages se former au-dessus de la mer. Visiblement les nuages ‘enfoncent dans l’intérieur du pays et vont se déverser sur les contreforts de la « Sierra Nevada » quelques dizaines de km plus loin à près de 4000 m d’altitude. Et le peu d’eau qui tombe parfois sur la région ravine et détruit les sols, et s’évacue rapidement sans alimenter de nappe phréatique. On ne voit que de très rares éoliennes pour pomper l’eau, signe que les sites favorables sont rares. En revanche de nombreuses dépressions ( bahias ondas) retiennent des lagunes ou des marécages d’eau salée, qi forment des « chotts » au sol desséché et impraticable (il vaut mieux ne pas s’y avancer au risque de ne pas en sortir ! Le vent incessant et soutenu participe au dessèchement de la région et de ses habitants. Seul avantage, il maintient la température à un niveau tolérable, 25 ° en général alors que le reste de la péninsule dépasse allègrement les 32°.

Les paysages sont à couper le souffle. Les dunes de sable ocre d’une centaine de m de hauteur côtoient des escarpements ravinés à la végétation clairsemée. Les bords de mer sont souvent le lieu d’accumulation des cairns que chaque ‘pèlerin’ tient à laisser en témoignage de son passage et de son admiration. Les pistes s’entrecroisent, tantôt dans le sable, tantôt dans les ornières créées lors de la dernière pluie, tantôt sur des pentes rocheuses à forte déclivité. Le chauffeur a souvent le choix entre de nombreux embranchements de pistes tracées par les véhicules qui l’ont précédé, et il faut avoi r le nez fin, une grande habitudes et une bonne connaissance de la région pour s’y retrouver sans allonger indéfiniment la course de la jiurnée.

Pour le reste il faut dire que le public est jeune et aventureux, sans doute sélectionné par la difficulté d’accès du lieu, en 4x4 ou à moto. Nous sommes bien sur les plus âgés à tenter l’expérience, et même le couple proche de la quarantaine avec lequel nous partageons le véhicule rentre dans la catégorie des vieux !