Ce vendredi matin, nous avons rendez-vous place Bolivar à 10h30. Mais comme la place Bolivar est grande, nous cherchons visiblement et une paire de policiers de la police touristique nous aiguille vers l’info touristique officielle où nous sommes bien accueillis, mais déçus : ce n’est pas la ville qui organise ce tour, ce sont « des privés » - sous entendu, sans garantie de qualité ! – et en concurrence avec les messages ‘officiels’.

Finalement nous démarrons à une vingtaine avec un ancien étudiant en histoire qui est ultra qualifié pour le sujet qu’il traite. Avec pour tout support une farde emplie de photos et de graphiques, il nous amène sur les principaux sites du quartier proche, avec à chaque arrêt une explication détaillée d’un des principes fondateurs des troubles qui ont détruit le pays pendant plus de 60 ans.

De Pablo Escobar aux paramilitaires en passant par les FARC, de Jorge Gaitan et Luis Galan, tous deux présidentiables assassinés, jusqu’à Juan Manuel Santos prix Nobel de la Paix – alors qu’il était ministre de la guerre pendant le Plan Colombia -, en passant par la lutte pour l’indépendance du Libertador Bolivar, qui a coûté au Pays le tiers de sa surface abandonnée à l’étranger pour payer les armes utilisées pour la guerre, nous voyons s’édifier une construction incertaine, pleine de doutes, de détournements, de crimes aussi abjects les uns que les autres.

Historiquement les troubles qui ont imposé la ‘violencia’ en Colombie ont commencé avec le ‘Bogotazo’, l’attentat en 1948 dans lequel le leader charismatique Jorge Gaitan a été assassiné lors d’un discours de la campagne pour l’élection présidentielle qu’il allait probablement remporter. Le meurtrier ayant été lynché par la foule, on n’a jamais su qui des deux partis alternant au pouvoir, libéraux ou conservateur, en avait été l’instigateur. Mais il s’en est suivi des émeutes qui ont détruit tout le quartier – et accessoirement entrainé la suppression du réseau de tramways - Une petite église a été épargnée par  les émeutes : les colombiens sont ultra catholiques et respectueux de la religion !

Dans les années 60, les FARC, guérilla de gauche dans la ligne de Castro et Che Guevarra, a commencé à se manifester. Guérilla signifie actions coup de poing, engagement politique profond pour la défense de la cause paysanne, et très faibles moyens en hommes et en armement.

Un peu plus tard a surgi le problème de la drogue. Un procédé industriel inventé en Europe permettait d’extraire de la feuille de coca la fameuse poudre blanche, la cocaïne, qui se vendait si bien aux Etats unis. D’une petite affaire familiale, Pablo Escobar a fondé un empire avec ses alliés, ses chefs, son personnel, ses circuits, au point de devenir un temps, selon le magazine Forbes, l’homme le plus riche de la planète.

Cette prospérité n’a pas échappé aux FARC qui y ont vu une source de financement, en accordant une « protection » au trafic moyennant un impôt pour financer la guérilla. On peut dire que l’argent sale a pourri l’idéal révolutionnaire, mais permis aussi la monté en puissance de la guérilla.

La deuxième victime sur le chemin de la présidence est Luis Galan, en qui les colombiens avait mis aussi beaucoup d’espoir. De Cette période date le début des enlèvements, qui venaient remplacer la baisse de rendement de l’impôt sut la drogue, depuis que les cartels avaient commencé à faire appel à des groupes « paramilitaires » pour assurer leur protection et les convois de drogues.

L’« arrestation » d’Escobar, suivie de son assassinat, a sans doute désorganisé le rapport de force, sans pour autant mettre fin aux assassinats. Il y a eu plus de morts par le fait des paramilitaires depuis les pourparlers de paix que pendant toute la période qui a précédé. Et dans l’ensemble, cartel, Farc et Armée régulière se partagent la responsabilité des morts. Il y a eu une période – on la croit terminée - où l’armée régulière présentait des paysans morts comme ayant été des combattants pour toucher les subventions que l’opérations US Plan Colombia leur allouait pour lutter contre la guérilla.

Si le calme et le silence des armes semble revenu depuis le désarmement des FARC – il reste que le petit groupe ELN Ejercito de Liberacion nacional pour maintenir une certaine tension locale – la situation n’est pas rose pour autant et les prochaines élections du 11/03 ne changeront probablement pas la donne.